LE PRÉSIDENT BÉNINOIS PATRICE TALON SE PRÉPARE À UN TROISIÈME MANDAT SOUS LE REGARD COMPLAISANT DE PARIS
*Par : L’Ambassadeur Omar Arouna, MBA
Cet Éditorial publié en anglais dans allafrica.com ; panafricanvisions.com ; et theexchange.africa a été repris en français.
Le 30 août 2022, dans un discours prononcé devant la communauté des affaires lors du rassemblement annuel du MEDEF en France, en présence du président Emmanuel Macron, Patrice Talon a déclaré : « la démocratie peut conduire à l’anarchie et paralyser les décisions gouvernementales… et je n’ai pas l’intention de la mettre pleinement en œuvre ».
La dernière déclaration du président béninois doit être prise au sérieux car, chez lui au Benin, il a déjà commencé à manœuvrer pour changer les lois du pays afin de pouvoir rester indéfiniment au pouvoir.
En janvier 2023, le Bénin organisera une nouvelle fois, une élection législative. La quatrième élection depuis que Talon est devenu président. Les trois dernières élections ont laissé, (en utilisant les mots du défunt artiste nigérian Fela Kuti) « des larmes, de la tristesse et du sang » au Bénin. L’opposition a été exclue, l’armée a tiré sur des manifestants lors de soulèvements post-électoraux et, selon Amnesty, au moins 5 personnes ont été tuées lors des dernières élections ; plusieurs centaines ont été arrêtées ou exilées. Depuis lors, rien n’a changé. Les lois et règlements répressifs qui ont exclu l’opposition des dernières élections sont toujours en place, les leaders de l’opposition sont toujours en prison, la répression des voix dissidentes se poursuit, sauf que maintenant Talon fait du chantage, corrompt et contraint des politiciens locaux à participer aux élections de 2023 pour légitimer son hold-up électoral.
Par conséquent, sa déclaration du 30 août 2022 devant la communauté des affaires en France en présence du président français Emmanuel Macron, n’est pas un accident mais à dessein et doit être prise au sérieux car, Talon a déjà entamé le processus de changement de la constitution du pays pour après janvier 2023.
Les élections législatives de janvier 2023 représentent un autre défi majeur pour les Béninois mais une opportunité pour Patrice Talon et s’il arrive à ses fins, 2023 sonnera le glas de l’aventure démocratique du Bénin pour toujours. Patrice Talon est déjà à la manœuvre pour s’assurer un troisième mandat et va s’appuyer sur le processus électoral législatif à venir pour y parvenir. Et les signes révélateurs sont là.
Sous le régime de Talon au Bénin, et selon le rapport d’enquête Global Magnitsky du New York Center for Policy Affairs, le contrôle du système judiciaire a été un outil puissant dans l’arsenal de Talon pour supprimer la dissidence. L’ancien ministre de la Justice et président de la plus haute cour du pays, Joseph Fifamin Djogbénou, anciennement avocat personnel de Talon, lorsqu’il était ministre de la Justice, était responsable de la formation de la CRIET (Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme). Les preuves montrent que la cour spéciale a été utilisée principalement pour poursuivre les opposants politiques de Talon et supprimer les voix dissidentes. Ce mécanisme a été utilisé pour l’arrestation arbitraire de manifestants et de personnalités de l’opposition tel que Reyckia Madogou, Joel Aivo et autres…
Le 12 juillet 2022, Joseph Fifamin Djobenou a démissionné de son poste de président de la cour constitutionnelle du Bénin dans un geste sans précédent et a été nommé peu de temps après président du parti Union Progressiste. L’un des deux partis politiques créés par le président Talon pour soutenir ses actions politiques.
Ce dernier geste de Joseph Djogbenou fait écho à un processus similaire lorsqu’il a quitté son poste de ministre de la Justice et été nommé président de la Cour constitutionnelle où il a orchestré l’exclusion de l’opposition des élections. Joseph Fifamin Djogbenou se positionne pour devenir le prochain président de l’Assemblée nationale après les élections législatives de janvier 2023 où il démantèlera les législations restantes qui pourraient empêcher Patrice Talon de briguer un troisième mandat. L’objectif de Djogbenou une fois à la tête du parlement béninois sera de changer la constitution du pays et de dégager la voie pour le troisième mandat de Patrice Talon.
De nombreux chefs d’État africains de la région ont fait de même ces dernières années sans conséquences, souvent avec la bénédiction de l’administration française et le silence du monde libre. Ce n’est donc pas par accident mais à dessein que Patrice Talon a déclaré en France son intention de ne pas respecter les règles démocratiques, comme le rapporte Bloomberg News le 31 juillet, 2022.
Les États-Unis pourraient jouer un rôle crucial en évitant la disparition complète de la démocratie béninoise et un troisième mandat pour Patrice Talon.
• Appliquer une sanction globale ciblée Magnitsky sur Patrice Talon et ses acolytes, comme l’a indiqué le New York Center for Foreign Policy Affairs en avril 2022. -Le rapport d’enquête a mis en évidence des violations des droits de l’homme, la corruption et la mauvaise gestion financière qui profitent directement à Patrice Talon et lui permettent de poursuivre le démantèlement systématique de la démocratie de son pays…
• Suspendre le programme Millennium Challenge avec le Bénin et
• Ne pas adresser d’invitation à Patrice Talon pour le Sommet des leaders américano-africains de décembre 2022.
Voici quelques mesures que l’administration Biden et le secrétaire d’État Blinken doivent prendre pour stopper les tendances dictatoriales et le troisième mandat de Patrice Talon.
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M. Arouna est l’ancien ambassadeur de la République du Bénin aux États-Unis et au Mexique et l’ancien représentant du pays auprès de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de l’Organisation des États américains. L’ambassadeur Arouna est actuellement l’associé directeur du US-Africa Cybersecurity Group, une société de conseil en gestion de la cybersécurité, et le PDG de Global Specialty LLC, une société de conseil en développement commercial international dont l’objectif est de fournir des services consultatifs et opérationnels aux organisations et à leurs communautés d’affaires qui cherchent à entrer sur le marché et à établir des opérations commerciales en Afrique. Il est président du conseil consultatif du New York Center for Foreign Policy Affairs (NYCFPA), un groupe de réflexion américain qui se consacre à la recherche et à l’analyse de tous les aspects de la politique étrangère des États-Unis et de son impact dans le monde. L’ambassadeur Arouna est Commandeur de l’Ordre national du Bénin et possède un MBA en cybersécurité de l’Université George Washington. Il est bilingue en français et en anglais.